Nous sommes pour une gestion éthique des forêts exploitées, pour une sylviculture respectueuse des milieux naturels. Des alliés et amis y travaillent, d’autres se soucient des friches, des villes ou soutiennent une paysannerie durable, le « faire avec » la nature.

Ces approches sont indispensables, tout comme l’est l’horizon sauvage que nous voulons défendre : la « part sauvage du monde ».

Isards en forêt pyrénéenne © Michel Bartoli

Notre conception de la Terre est qu’elle ne peut être tout entière investie, disponible, habitable, traversée par l’agir humain. Elle n’est pas un jardin à gérer intégralement, devenu totalement nôtre.

Aujourd’hui, l’expansion de l’urbanisation, des aménagements divers et variés, l’agriculture intensive et bien d’autres tendances sociétales, artificialisent les sols, réduisent les capacités de régénération des écosystèmes, ainsi que le domaine vital de nombre d’espèces sauvages, dites indociles. En France, des départements entiers n’ont plus que des lambeaux épars de Nature. Elle y est de plus en plus remplacée par un « environnement » identifié, géré et aseptisé. L’appropriation totale par l’humain du reste de la nature peut rassurer, voire plaire à certains, ou encore laisser indifférent, elle est tout simplement inconcevable pour nous et pour d’autres.

Livrer ces quelques explications suffirait à justifier notre désir de préserver des lieux en évolution naturelle, pour que continue à exister la part du monde que nous n’avons pas créé, en réaction à la frénésie de transformation perpétuelle de notre société.

Mais nos motivations ne s’arrêtent pas là.

Elles ne sont pas premièrement guidées par la peur de perdre, par l’hostilité au « tout contrôle ».

Elles puisent leurs forces premières dans une relation intime au monde naturel, et dans le profond respect que nous avons pour tous les êtres vivants, que nous regardons comme des êtres égaux, dignes d’existence, une multitude d’êtres qui vivent leur manière d’Etre au monde, qui nous sera à jamais étrangère.

Le sentiment de connexion à la nature est étranger au domaine de la Raison, et c’est même souvent ce sentiment qui la guide.

Sentir au plus profond de soi que nous ne représentons qu’un maillon d’un vaste Tout qui nous maintient en vie, se laisser traverser par l’ambiance d’un bois ou les sons d’une rivière, est une source de joie, d’émerveillement, de compréhension profonde de notre place sur Terre.

Ressentir ce lien profond à la Nature mène à une compréhension instinctive de la différence entre « vivre de » et « vivre avec ».

Ce sont ces sentiments conscientisés qui nous poussent à vouloir préserver les beautés et l’intégrité de la Nature avec un grand N.

Forêt sauvage sans trace d’exploitation sylvicole, Pyrénées centrales © Philippe Falbet