Il n’existe plus de forêts primaires en France, on parle de forêts subnaturelles (sub=sous) ou à caractère naturel.

Elles ne sont plus exploitées depuis au moins 50 ans, souvent beaucoup plus. Elles ont retrouvé un aspect et un fonctionnement naturels : elles sont riches en très gros arbres, en gros bois mort au sol et sur pied (les chandelles). Souvent préservés grâce à leur inaccessibilité, ces boisements sont des zones de quiétude pour la faune et la flore.

Le citoyen a l’habitude de se promener dans des forêts ne dépassant pas la durée du cycle sylvicole, au terme duquel les arbres sont coupés pour différents usages humains. Lorsque les forêts sont laissées à leur évolution naturelle, elles accomplissent la totalité de leur cycle biologique naturel, soit 300 à 350 ans en moyenne pour une hêtraie sapinière.

Les forêts qui accomplissent la totalité de leur cycle biologique naturel représentent moins de 1 % des forêts françaises métropolitaines. Cela explique que les espèces liées aux stades âgés de la forêt sont pour la plupart, rares et menacées. 25 % de la biodiversité forestière dépend du bois mort (et surtout, du très gros bois mort, le plus rare).

Aujourd’hui, les techniques sylvicoles, la législation et les pressions humaines évoluent très rapidement. L’avenir de ces boisements à caractère naturel est plus qu’incertain, il est souvent inquiétant. Les forêts subnaturelles sont nombreuses à être menacées à court ou moyen terme par l’exploitation forestière.

La libre évolution constitue le mode de gestion privilégié pour maintenir et reconstituer des forêts à caractère naturel sur le long terme, et assurer la quiétude des espèces qui les peuplent.

Elle sous entend de faire confiance à ces espèces dans leur capacité à conserver leur diversité, leur potentiel de résilience et leur identité, comme elles l’ont largement prouvé au cours des évolutions. Elle laisse libre cours aux reliefs, aux plis, aux enclaves, aux refuges, une mosaïque de milieux où l’uniformité et la stabilité permanente n’ont pas leur place.  

Anthaxia midas, coléoptère présent dans 3 départements français, dont une vieille forêt des Pyrénées orientales © RN de la Massane

Il nous semble important de mentionner les avertissements actuels d’écologues forestiers et scientifiques sur la destruction des habitats naturels, l’artificialisation des sols forestiers par les plantations et l’effondrement de la biodiversité.

Ces deux citations de Virginie Maris * nous semblent très à propos :

« Protéger la nature d’une puissance de changement et de destruction qui n’a aucun précédent dans l’histoire de la vie, ça n’est pas la mettre sous cloche, mais au contraire, créer un espace et un temps dans lesquels elle puisse être au moins partiellement soustraite à cette pression pour évoluer dans les modalités qui sont les siennes. »

« D’où l’importance de préserver des espaces dédiés à la nature sauvage ne serait-ce qu’en tant que témoins de ce que la nature peut faire et être sans nous. Car pour « faire avec » la nature, encore faut-il connaître son partenaire, (…) lui donner une chance d’exister selon les modalités qui lui sont propres, sans entraves.»

* Penser la nature dans l’Anthropocène, éd. du Seuil, Virginie Maris